Discernement ! Un des maîtres mots de la vie spirituelle qu’il ne faudrait pas réserver à la spiritualité jésuite, même si, avec saint Ignace et ses fameux Exercices, cet art a été porté à des sommets. Discernement… un mot qui a peut-être été trop souvent mis de côté dans une époque récente de la vie de l’Église où bien souvent les « coups de cœur », les « sentiments », les « motions de l’Esprit », ont servi de justi?catifs à des décisions parfois erratiques.
Le discernement est une nécessité absolue pour qui entend conduire sa vie sous le regard de Dieu. La question à laquelle chacun est appelé à répondre est : fais-je bien la volonté de Dieu, au jour le jour. Cela nécessite d’abord une forme de pragmatisme, ou de réalisme, bien concret : est-ce que j’essaie de me connaître, de combattre mes défauts, mes vices, et de faire fructifier mes talents, mes vertus. Pour cela il n’y a pas des milliers de possibilités. L’expérience bimillénaire des saints, des théologiens, des praticiens du spirituel, nous renseigne. Pas d’avancée sur le chemin de la sainteté sans une prière éclairée par la connaissance profonde de notre état de pécheurs. Se mettre en vérité devant Dieu commence par là ! « Pitié pour moi, mon Dieu, dans ton amour, selon ta grande miséricorde, efface mon péché… Oui, je connais mon péché, ma faute est toujours devant moi… Moi, je suis né dans la faute, j’étais pécheur dès le sein de ma mère. Mais tu veux au fond de moi la vérité ; dans le secret, tu m’apprends la sagesse », nous enseigne le Psaume 50.
Il s’agit de ne pas se laisser dominer par le tumulte de nos pensées passionnelles et sentimentales ; mais, avec l’aide de cette belle faculté qu’est la raison, éclairée par la foi, avec les lumières aussi du Saint-Esprit, l’aide de notre ange gardien, de tenter une analyse de nos actes, de nos pensées, de nos omissions, de nos paroles, pour reprendre les termes du confiteor. C’est une excellente chose d’ailleurs que de profiter de notre prière du soir pour cet « examen de conscience ». Là, pas de « martyfouettage » délétère. Reconnaître sereinement son état de pécheur, ses péchés, rendre grâce pour les dons de Dieu et ce qu’il nous a permis de bien. Tout remettre entre ses mains miséricordieuses. Sans arrière-pensées. Sans fausses excuses, mais sans culpabilité handicapante. Et par avance se réjouir du don de la journée à venir où, comme au matin de Pâques, tout est encore possible !Enfin, pour être profitable sur toute une vie chrétienne, pour les grands choix qui s’imposent à nous, ne jamais oublier l’aide indispensable d’un bon « directeur de conscience », « accompagnateur spirituel », « conseiller spirituel » et pourquoi pas parfois même d’un bon psychothérapeute. Seuls, nous sommes mauvais juges pour nous-mêmes, et le regard d’un tiers est toujours profitable, surtout s’il est bien mû par le même désir d’accomplir en toute chose, pour les grandes comme pour les plus petites, la sainte volonté du Père éternel.

Abbé Christian Venard